Neutralité carbone : l’Union européenne affiche la couleur (et c’est du vert)

En officialisant le “Green deal” et la stratégie “Farm to fork”, l’Europe se fixe d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. L’agriculture, considérée comme un secteur fortement émetteur de gaz à effet de serre, est invitée à se réinventer. Décryptage.

Neutralité carbone : l'Union européenne affiche la couleur (et c'est du vert)

Quel objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre l’Europe assigne-t-elle à l’agriculture ?

En 2019, la Commission européenne rendait officiel son « Green deal ». Un “pacte vert”, en forme de feuille de route, destiné à rendre l’Europe neutre en carbone d’ici 2050. La première étape, à l’horizon 2030, fixe une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 55% par rapport à 1990, tous secteurs confondus. Un objectif auquel le secteur agricole, considéré comme particulièrement émetteur de GES, devra participer en réduisant de 40% ses émissions par rapport à la situation de 2005. Élaborée pour l’occasion, la stratégie “Farm to fork” (De la fourche à la fourchette) décline les grands axes censés « faire évoluer le système agricole et alimentaire actuel de l'UE vers un modèle durable ».

Où se situe la France par rapport à ces objectifs de réduction ? 

Depuis 1990, l'Europe a réduit de 23% ses émissions, la France de 16% (tous secteurs confondus). Côté agriculture, les progrès sont réels mais encore loin d’atteindre les –55% visés à horizon 2035. Rapportée à la SAU nationale, la moyenne des émissions agricoles se situe autour de 2,5 t CO2eq/ha (chiffres Eurostats 2019). Certains pays comme l’Italie ou l’Espagne sont en deçà, d’autres au même niveau, d’autres largement au-dessus avec 10 t/ha aux Pays-Bas par exemple. Les écarts s’expliquent, pour la plupart, par les différences d’intensité des systèmes agricoles et les types de production. L’Europe fait néanmoins figure de bonne élève : ailleurs dans le monde, la tendance en termes d’émissions est plutôt à la hausse.

Comment la stratégie “Farm to fork” prévoit-elle d’atteindre ces objectifs ?

La stratégie Farm to Fork décline les objectifs du pacte vert pour l’agriculture et l’alimentation autour de 10 ambitions-clés :

  1. Atteindre 25% des terres agricoles en agriculture biologique dans l’UE d’ici 2030
  2. Réduire de 50% l'utilisation des pesticides
  3. Réduire de 20% le recours aux engrais minéraux
  4. Augmenter d'au moins 10% la part de SAU en zones agro-écologiques
  5. Réduire de 50% le surplus du bilan azoté (volatilisation, lixiviation, émissions diverses...) 
  6. Réduire les émissions de méthane dues à l’élevage et valoriser les “déchets et résidus organiques humains et agricoles non recyclables” pour la production de biogaz en zone rurale
  7. Renforcer les normes liées à la pollution de l’air, de l’eau, des sols et leur réhabilitation
  8. Mettre en œuvre une stratégie européenne pour les forêts avec trois milliards d'arbres plantés à travers l'Europe d'ici 2030
  9. Réduire l’impact environnemental de l’aviation et du transport maritime en favorisant les agro-carburants durables
  10. Réviser la législation sur le bien-être animal (transport, abattage, étiquetage…)

Ces objectifs imposent-ils déjà de nouvelles contraintes aux agriculteurs ?

Aujourd’hui, non ; demain, oui. Cheville ouvrière du “Green deal” européen, la PAC 2023 prévoit en effet que chaque État-membre élabore un plan stratégique pour l’agriculture à l’échelle nationale, conforme aux ambitions énoncées. Faute de quoi, pas de versement des fonds européens, ce qui pourrait conduire à la suspension des aides PAC destinées aux agriculteurs.

A quelles incidences peut-on s’attendre pour l’agriculture, en Europe et France ?

L’UE soutient que son “Green deal” sera sans conséquences sur le revenu des agriculteurs. Une étude indépendante (1) sur son impact économique fait cependant écho aux inquiétudes du monde agricole. Sur le niveau de soutien financier de la PAC, d’abord, mais aussi en prédisant une baisse de la production (-20% pour les cultures et la production de viande bovine, -13% du nombre de vaches laitières), suivie par une hausse des prix agricoles. Les exemples suivants sont cités :

  •     +58% pour la viande bovine
  •     +36% pour le lait cru
  •     +15% pour les fruits et légumes
  •     +12,5% pour les céréales
  •     +18% pour les oléagineux

Des prévisions qui interrogent sur la souveraineté alimentaire du vieux continent, ainsi que sa capacité à rester compétitif sur le marché mondial.

(1) Economic and Environmental impacts of the Green Deal on the Agricultural Economy: A Simulation Study of the Impact of the F2F-St Prof. Dr. Dr Christian Henning (University of Kiel) and Dr. Peter Witzke (EuroCare, Bonn)

Y aura-t-il quand même des opportunités ?

Et si cette “transition agro-écologique” était un succès ? Selon certains experts, une modification en profondeur des systèmes agricoles actuels pourrait à terme faire diminuer drastiquement les coûts de production, sans forcément entraîner de chutes de rendement insupportables. La production de biogaz par méthanisation ou de biocarburants pourrait aussi se développer, autant de débouchés pour les agriculteurs.

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